Une avancée européenne qui divise le gouvernement
En contrepartie des mécanismes de solidarité financière, comme le Fonds Européen de Stabilité Financière ou le Mécanisme Européen de Stabilité, mis en place entre les pays de la zone Euro afin de désamorcer la crise, les Etats Européens se sont accordés en mars dernier sur un nouveau Traité européen, instaurant de nouvelles règles contraignantes de discipline budgétaire. Ce texte, qui détermine les contours de la solidarité financière entre les Etats, suscite de nombreux remous au sein du gouvernement.
Les divisions entre le parti socialiste et Europe Ecologie Les Verts, farouchement opposés au Traité, posent la question de la cohérence des ministres écologistes du gouvernement. Plus encore, ces fractures politiques nuisent à l’image de la France sur la scène internationale. Elles mettent notamment à mal une fois de plus le couple Franco-Allemand, Angela Merkel ayant conditionné la poursuite de l'aide aux pays en difficulté à l’adoption du Traité.
Les Chiffres Clés
- 72% des Français pensent qu’un référendum est nécessaire sur ce sujet.
- Une majorité d’entre eux (52 %) approuveraient le traité lors de ce référendum, contre 32 % qui voteraient "non".
- En 2010, le déficit structurel de la France (déficit budgétaire en dehors des variations de la conjoncture) était de 5 % du produit intérieur brut, soit 96,55 milliards d’euros. Le ramener à 0,5 % supposerait de procéder à 87 milliards d’économies.
- Au deuxième trimestre 2012, la dette publique a augmenté de 43,2 milliards d'euros par rapport à fin mars pour s'établir à 1832,6 milliards. Elle atteignait ainsi déjà 91% du PIB, soit un bond de 1,7 point.
- La dette publique de la France atteindra le niveau record de 91,3% du produit intérieur brut (PIB) en 2013, selon le projet de budget 2013.
- L'Insee a confirmé une croissance nulle au deuxième trimestre 2012.
- En mai 2012, 83% des écologistes étaient favorables à une participation d'EELV au gouvernement d'Ayrault. Aujourd’hui, ils rejettent à 70% le traité budgétaire européen défendu par le parti socialiste.
Vers une Europe plus responsable et plus solidaire
Le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG) résulte d’un accord entre 25 des 27 États membres de l'Union européenne sur la convergence de leur union
économique et monétaire. Seuls le Royaume-Uni et la République Tchèque ont refusé de l’adopter.
Cet accord intergouvernemental ne s’impose pas nécessairement à tous les États membres de l’UE : ses dispositions ne sont obligatoires que pour les pays de la zone Euro.
Le texte du Traité qui a été signé le 2 mars 2012, avait été arrêté le 30 janvier 2012 à Bruxelles entre les chefs d'État et de gouvernement.
Le texte est composé de 16 articles, et huit dispositions principales :
1. La règle d’or : Les budgets des gouvernements doivent être équilibrés. Des déficits sont temporairement autorisés en raison de circonstances économiques exceptionnelles ou dans des périodes de grave récession. Cette règle sera considérée comme respectée si le déficit structurel ne dépasse pas 0,5 %.
2. Les Etats doivent introduire cette règle dans leur Constitution et mettre en place un mécanisme automatique de correction « qui ne sera pas soumis à la délibération parlementaire ». Ce ne seront plus les élus de la nation, mais le Conseil constitutionnel qui veillera à la conformité des budgets avec cette nouvelle règle.
3. Lorsque la dette publique dépasse 60 % du PIB, les Etats doivent procéder à sa résorption, en trois ans, au rythme d’un vingtième par an.
4. Lorsqu’un Etat connaît des déficits en dépassement des règles instituées (3 % du PIB de déficit, 60 % du PIB de dette), il doit présenter un programme de réformes structurelles contraignantes à la Commission et au Conseil.
5. Les Etats doivent soumettre à la Commission européenne et au Conseil leurs projets nationaux d’émission de la dette.
6. Lorsque la Commission affirme qu’un Etat est en infraction, les sanctions proposées sont automatiques. Les autres Etats doivent les soutenir, sauf si une majorité qualifiée est atteinte pour s’y opposer.
7. Tout Etat qui estime qu’un autre Etat ne s’est pas conformé aux règles de ce traité peut porter plainte devant la Cour de justice de l’Union européenne. La Commission désignera le ou les Etats qui doivent être poursuivis par les autres Etats devant cette Cour.
8. Le TSCG entrera en vigueur le 1er janvier 2013 dès lors qu’au moins 12 Etats membres de la zone euro l’auront ratifié, ou le premier jour du mois suivant le dépôt du 12ème instrument de ratification par un Etat membre de la zone euro.
A son entrée en vigueur, le traité sera applicable aux seuls Etats de la zone euro l’ayant ratifié. Il s’appliquera aux autres membres de la zone euro le premier jour du mois suivant le dépôt de leur instrument de ratification. Le titre V, relatif à la gouvernance de la zone euro, s’appliquera néanmoins à tous les signataires dès l’entrée en vigueur du traité. Enfin, il s’appliquera aux Etats de l’UE non membres de la zone euro qui l’auront ratifié dès lors qu’ils auront adopté l’euro.
Les États Membres de l’UE qui n’ont pas signé le traité peuvent y adhérer ultérieurement. Dans les cinq ans suivant l’entrée en vigueur du traité, il est prévu de prendre les mesures nécessaires pour intégrer le contenu de ce traité dans le cadre juridique de l’UE.
· Mode de ratification du TSCG
Le mode de ratification du TSC sera différent et spécifique à chaque pays.
Deux choix sont offerts à chaque Etat pour le ratifier : le référendum d’une part et la procédure nationale de ratification des traités d’autre part.
Ainsi par exemple, pour être ratifié en France, le TSCG devra obtenir la majorité des voix à l’Assemblée Nationale et au Sénat. En ce qui concerne l’adoption de la « règle d’or » budgétaire, le consentement des 3/5 des parlementaires est nécessaire dans la mesure où elle entrainera une modification de la Constitution.
· Le sommet européen du 28 et 29 juin 2012
Le sommet européen de juin dernier a complété le TSCG en y ajoutant le « pacte de croissance », pour un montant de 120 milliards d’Euros.
Le pacte de croissance a notamment :
- instauré une augmentation de la capacité de prêt de la Banque européenne d'investissement (BEI) de 60 milliards
- acté la réaffectation de 55 autres milliards de fonds structurels non utilisés,
- adopté le projet des project bonds, pour un montant de 5 milliards, pour financer des infrastructures de transport et d'énergie.
· Des précédents encourageants
Le TSCG s’inscrit dans la continuité de dispositions européennes précédentes visant à une plus grande discipline budgétaire, comme, par exemple, les procédures de déficit excessif du traité de Maastricht.
Le TSCG fait également suite au « six pack », un ensemble six textes européens (5 règlements et une directive) entrés en vigueur fin 2011, qui visent à renforcer le Pacte de Stabilité et de Croissance, en facilitant entre autres le recours à la procédure de déficit excessif. Le Six Pack permet par exemple de lancer la procédure si le ratio dette publique / PIB ne baisse pas d’au moins 1/20e par an lorsqu’il est supérieur à 60 %.
Le « six pack » instaure aussi la nécessité de la majorité qualifiée au Conseil pour refuser les sanctions proposées en cas de déficit excessif.
Le « Two pack » est venu compléter cette série de mesures.
Le texte se compose de deux volets :
1. Le premier vise à augmenter le pouvoir préventif de la Commission européenne dans le contrôle des budgets nationaux. Cette "surveillance renforcée" oblige les 17 États membres de la zone euro à consulter la Commission avant toute mesure économique qui pourrait avoir des conséquences sur les États voisins.
2. Le deuxième volet concerne le "renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés". Il est donc dédié aux États qui sont considérés "à risque faillite". Le texte envisage entre autre la possibilité d'une "mise sous protection juridique" par la Commission pour les États risquant la faillite.
Enfin, la commission parlementaire a approuvé l'idée d'un "fonds de rédemption", un système qui va dans la voie des euro-obligations.
Lors du vote du Two pack par les députés de la commission des Affaires économiques, le 14 mai 2012, les socialistes s'abstiennent, voulant exprimer leur opposition à l'austérité. Le texte, ayant obtenu une majorité de suffrages favorables, a néanmoins été approuvé.
Une cohabitation au sein du gouvernement
· Le divorce consommé d’EELV et du PS
Alors qu’à la mi-septembre, dans une énième tentative de recadrage, le Premier ministre Jean Marc Ayrault estimait que la « conséquence logique » d’un rejet du traité budgétaire européen était « la sortie de l'euro », certains membres de sa majorité lui ont aussitôt répondu en prenant le contrepied de cette consigne.
Les parlementaires de EELV ont en effet annoncé qu’ils voteraient contre le traité alors même que leurs ministres Cécile Duflot et Pascal Canfin restaient en place et clamaient leur solidarité à la politique gouvernementale.
Les deux ministres se sont par ailleurs abstenus de participer au conseil fédéral de leur parti, samedi dernier, qui a entériné le rejet du traité par EELV. Si Pascal Canfin avait déjà personnellement pris position pour l’abstention, l’avis de Cécile Duflot demeure à ce jour plus qu’obscur. Le désir de garder le strapontin ministériel pourrait en effet pousser les ministres écologistes à renier leurs convictions ou tout du moins à s’abstenir de les exprimer publiquement.
Néanmoins, EELV ne peut porter seul la responsabilité du divorce entre les deux partis. En effet, les écologistes ont depuis longtemps revendiqué leur opposition à ce traité, et ce malgré l’ajout du « Pacte de Croissance de François Hollande ».
Il n’en va pas de même, en revanche, pour le parti socialiste, qui, lors du précédent quinquennat, avait dénoncé à plusieurs reprises le traité, surnommé alors « Merkozy » par le PS. Rebaptisé depuis en « TSCG », sans que le fond n’en soit réellement modifié pour autant, le traité est aujourd’hui devenu le fer de lance du gouvernement, habitué au reniement et au retournement de veste.
Il n’en va pas de même, en revanche, pour le parti socialiste, qui, lors du précédent quinquennat, avait dénoncé à plusieurs reprises le traité, surnommé alors « Merkozy » par le PS. Rebaptisé depuis en « TSCG », sans que le fond n’en soit réellement modifié pour autant, le traité est aujourd’hui devenu le fer de lance du gouvernement, habitué au reniement et au retournement de veste.
· Une discorde de longue date
Cette nouvelle division à propos du TSCG vient s’ajouter à la longue liste de mésententes qui ont suivi l’accord électoral de novembre 2011 entre le PS et EELV.
Dès le 28 novembre, François Hollande avait pris ses distances avec ce « contrat », en assurant qu'il n'appliquera pas l’intégralité de l’accord liant son parti à EELV.
Puis, trois semaines après sa nomination, Cécile Duflot, alors ministre, avait créé la polémique en défendant la légalisation du cannabis, alors que François Hollande s'y était déclaré opposée pendant sa campagne.
Par la suite, les relations entre les deux partis n’ont eu de cesse de s’envenimer.
En juin dernier, le ministre chargé des relations avec le Parlement, Alain Vidalies, avait ainsi suscité la colère d'Europe Ecologie-Les Verts en déclarant qu'étant associés au gouvernement, les députés écologistes auraient à l'Assemblée « la liberté d'expression, mais pas la liberté de vote ».
En juillet, l’escalade s’est poursuivie avec, cette fois, la question du nucléaire et du gaz de schiste, Arnaud Montebourg affirmant que « la question de l'exploitation des gaz de schiste doit (...) être posée », et déclarant, en opposition avec l’accord liant son parti et les écologistes, qu'il ne faut pas « abandonner le nucléaire », qualifié de « filière d'avenir ».
En Août, le conflit montait encore d’un ton entre EELV et le PS, EELV dénonçant ouvertement la politique de François Hollande à l’égard des campements de Roms.
Lors de la conférence environnement, François Hollande a tenté d’apaiser les tension, en annonçant la fermeture de la centrale de Fessenheim pour 2016 et le rejet de sept permis d'exploration de gaz de schiste.
Néanmoins, cette nouvelle opposition au sujet du TSCG assoit définitivement une cohabitation gouvernementale inédite au sein d’un gouvernement.
· La droite et le Centre : indispensables à François Hollande pour l’adoption du TSCG
Officiellement, le 25 septembre 2012, le bureau national du Parti socialiste a adopté à l'"unanimité" un texte appelant à la ratification du traité budgétaire européen.
Néanmoins alors que les écologistes, les élus du Front de gauche, les souverainistes du Mouvement républicain et citoyen (MRC), les deux députés du Front national et une partie de l'aile gauche du Parti socialiste (aux côtés, notamment, de Marie-Noëlle Lienemann) ont annoncé qu'ils voteraient contre le texte, François Hollande n’aura d’autre choix que de s'appuyer sur l'opposition, contre une partie de sa majorité, afin d'obtenir la ratification du traité budgétaire européen.
La position du Nouveau Centre
La ligne de fracture ouverte entre Europe Ecologie Les Verts et le Parti Socialiste sur le traité budgétaire européen constitue un signal éminemment négatif adressé à nos partenaires européens et met en danger la stabilité du couple franco-allemand.
Le Nouveau Centre appelle les membres du gouvernement à prendre leurs responsabilités en cas de désaccord avec la politique de François Hollande.
Par ailleurs, le Nouveau Centre, profondément européen, a toujours demandé plus d’intégration et plus de fédéralisme au sein de l’Union, et ai donc favorable à l’adoption du TSCG.
Le parti a également proposé que soit mis en place un traité fédéral de la zone euro pour mettre en place un Gouvernement économique européen.
La crise actuelle illustre de façon dramatique combien une politique monétaire unique sans une politique économique et budgétaire commune n’est plus tenable. Nous avons besoin d’un véritable fédéralisme économique et budgétaire européen qui passe par l’adoption d’un Traité fédéral de la zone euro, entre les 17 Etats qui partagent la monnaie unique.
Ce traité sera le cadre juridique du Gouvernement économique européen fondé notamment sur:
Ø Une redéfinition du rôle et des objectifs de la Banque centrale européenne dont les pouvoirs seront renforcés
Ø La mise en place de mécanismes de convergence sociale et fiscale
Ø L’obligation pour chaque Etat signataire d’inscrire la règle d’or dans sa Constitution nationale, qui est par ailleurs une des principales dispositions du TCSG
Ø La possibilité de communautariser une partie de la dette européenne par l’émission d’Euro-obligations
Ø La création d’un Fonds monétaire européen
Ø Une représentation unique de la zone euro dans les institutions monétaires et financières internationales
Ø La création d’une agence de notation européenne
Ø La création d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe pour financer un budget propre de la zone euro
Ailleurs
· Au 6 septembre 2012, le traité a été ratifié par 9 pays de la zone Euro (Allemagne, Autriche, Chypre, Espagne, Grèce, Irlande, Italie, Portugal, Slovénie) et 4 pays hors zone Euro (Danemark, Lettonie, Lituanie et Romanie)
· L’Irlande, qui est le seul pays à avoir choisi la voix référendaire, a validé le TSCG avec 60 % de oui le 31 mai dernier.
· En France, au Luxembourg, en Belgique, au Pays-Bas, en Pologne, en Slovaquie, en Hongrie, à Malte, en Bulgarie, en Estonie, en Finlande et en Suède le Traité est en attente de ratification.
ILS L’ONT DIT :
Philippe Vigier, Secrétaire Général du Nouveau Centre, Porte-parole de l’UDI, Député de l’Eure-et-Loir
« Un pied dedans, un pied dehors et une majorité qui avance à cloche pied : EELV fait payer très cher à François Hollande sa cuisine électorale des législatives en instaurant une période de cohabitation au sein de sa propre majorité. […] La ligne de fracture ouverte dans la majorité fragilise la France sur la scène européenne. François Hollande et Jean-Marc Ayrault doivent délivrer un message clair et ferme une fois pour toutes sous peine de provoquer une crise politique en Europe.»
Septembre 2012, Communiqué « TSCG : cohabitation au sein de la majorité ! »